Chasse aux migrant.e.s sur les quais de Bordeaux : les réfugié.e.s sahraouis traqué.e.s par la préfecture et victimes d’insultes racistes de la part de la police

Des événements dramatiques se déroulent actuellement à Bordeaux, dans l’indifférence quasi-générale : des centaines de Sahraouis, ce peuple du Sahara occidental opprimé par l’armée d’occupation marocaine, et qui ont trouvé refuge dans notre ville, connaissent depuis le mardi 1er mai une aggravation brutale de leur situation, déjà rendue extrêmement précaire depuis leur arrivée, il y a plus de quatre ans. Expulsé.e.s de leurs squats et campements de fortune successifs, traqué.e.s par les autorités, iels subissent en particulier depuis mardi une véritable chasse aux migrant.e.s, sous les insultes racistes et autres brimades de la part de la police.

Nous sommes allé.e.s à leur rencontre samedi dernier pour leur apporter notre soutien et comprendre ce qui leur arrivait. Deux d’entre elleux, Mbarek et Michan, ont accepté de témoigner.

Samedi 5 mai, des milliers de bordelais.e.s et de touristes profitent du soleil sur les pelouses des quais de la Garonne, indifférent.e.s à la quarantaine de Sahraouis rassemblés à l’ombre des arbres autour de quelques cadis remplis de couvertures.
Iels sont originaires d’une bande de terre aride entre le Maroc et la Mauritanie, en proie à une guerre coloniale depuis maintenant 40 ans. Iels ont fui la répression de l’armée d’occupation marocaine, et ont trouvé refuge depuis maintenant quatre ans à Bordeaux.
S’iels sont là ce samedi après-midi, ce n’est donc pas de leur plein gré : iels viennent d’être violemment expulsé.e.s par la police du campement de fortune qu’iels avaient installé depuis la veille sur la rive droite, à proximité des locaux du journal Sud Ouest. Cette expulsion n’est que le dernier acte d’une série noire débutée mardi 1er mai, lorsque leur
squat du quai Deschamps a subi un incendie accidentel.

1) Depuis le premier mai, un incendie, trois expulsions et des propositions de relogement inacceptables

Ce mardi 1er mai, iels sont en train de regarder le match Real/Bayern quand l’incendie se déclare, sur les coups de 21H. La police, arrivée en même temps que les pompiers, les expulse sans leur laisser le temps de récupérer leurs affaires. La préfecture ouvre un gymnase avenue Thiers pour les reloger, mais cette proposition, témoigne Mbarek, est alors inacceptable pour une majorité des Sahraouis : « Les plus fragiles d’entre nous, dont les enfants, y sont allé.e.s, mais pour les autres ça n’était pas possible d’accepter un logement de trois jours seulement, uniquement entre 21H et 9H ». Une grande partie d’entre elles/eux se retrouve donc à la rue, contraint.e.s de passer les nuits de mardi,
mercredi et jeudi dans le parc aux Angéliques, en face du squat sinistré.
Vendredi 4 mai au matin, l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) leur propose enfin un rendez-vous pour discuter de leur situation. À 10H, une délégation se rend dans les locaux de l’OFII, mais elle déchantera rapidement : pour les 200 Sahraouis que compte le campement, il ne leur est proposé qu’une quarantaine de places d’hébergements pour demandeurs d’asile, dispersées dans tout la région.
Autre motif de révolte : au moment même où la délégation rencontre l’OFII, la police intervient dans le parc aux angéliques et en expulse les Sahraouis. « Nous nous sommes sentis piégé.e.s par les autorités », s’insurge Michan. « La police a saisi toutes les affaires qui nous restaient et les a mis dans une benne », ajoute Mbarek. « Tout a été
jeté – nos vêtements, nos papiers d’identité… » Le vendredi après-midi, les Sahraouis ont donc tout perdu, et se retrouvent à nouveau dans la rue, à chercher un nouvel endroit pour
passer la nuit. Iels s’installent finalement quai des Queyries, à deux pas des locaux de Sud Ouest, mais n’y resteront qu’une nuit : samedi matin, nouvelle expulsion, et nouvelle errance. Une partie d’entre elles/eux parvient finalement à déjouer la surveillance policière en se mêlant à une manifestation qui traverse le pont de Pierre, et gagne la
rive gauche. C’est donc là, sur les pelouses sur quai des Chartrons, au milieu de bordelais.e.s insouciant.e.s, qu’iels attendent depuis samedi, redoutant une nouvelle intervention de la police.

2) Bousculades, insultes racistes : le sale boulot de la police

Comme s’il ne suffisait pas que les Sahraouis subissent ces expulsions en série, il faut aussi qu’iels soient victimes du traitement particulier que leur réservent les flics envoyé.e.s à chaque reprise sur leurs campements. Le récit que nous ont fait Mbarek et Michan est à ce
titre glaçant. « Nous avons subi des insultes », confirme Mbarek. « Le mardi soir, renchérit Michan, les policiers nous ont bousculé.e.s. Je me suis avancé vers eux en leur disant “calmez-vous !”, en retour un policier a lancé une peau de banane au visage d’un Sahraouis en disant “tenez, les singes !” ».
Ce climat de violence se reproduira tout au long de la semaine, à chacune des expulsions. Le vendredi matin, lors de l’expulsion du parc aux angéliques, c’est le déchaînement. « Les policiers sont rapidement devenus très agressifs » témoigne Michan. « Nous avons subi des insultes : Un policier nous a dit “Pourquoi vous êtes là, retournez dans votre
pays”, un autre nous a lancé “dégage”, et aussi “fils de pute” ». Certains flics iront même jusqu’à interpeller des passant.e.s à vélo pour les prendre à témoin : « Iels leur disaient en nous montrant du doigt “Regardez, on n’est plus chez nous, on est envahi” ».

3) Les exigences des Sahraouis : un hébergement pérenne et une reconnaissance de leur statut

Malgré tout, les Sahraouis ne perdent pas courage : iels ont fui la guerre et l’oppression, et veulent que leurs droits soient reconnus. « Nous rencontrons deux problèmes », indique Mbarek. « Le premier problème c’est la différence de traitement des dossiers des demandeurs d’asile sahraouis. La plupart des demandes d’asile sont refusées. La deuxième
des choses, c’est que la plupart d’entre nous n’a jamais eu de proposition d’hébergement et subit les refus de l’OFPRA ».
Qu’espèrent-ils/elles ? « Une solution radicale, une solution définitive, un hébergement pour tous, à Bordeaux, parce que la majorité des réfugié.e.s sahraouis se trouvent ici, à Bordeaux. »

Pour l’instant, aucune solution n’est proposée pour la cinquantaine de personnes restantes qui sont tous les jours repoussées, expulsées, traquées de tous les endroits dans lesquels elles essayent de s’installer. Ils et elles ont besoin de notre soutien, ils et elles ont besoin de matériel, ils et elles ont besoin que nous fassions circuler l’information sur cette situation intolérable. Quelques personnes et associations tentent depuis longtemps déjà de leur venir en aide, mais il faut aujourd’hui une mobilisation large et collective.

 

Ce contenu a été publié dans Analyses. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.