Identitaires, néonazi.e.s : les fréquentations sulfureuses du Front National de Bordeaux

A quelques jours du meeting de campagne que compte organiser le Front National à Bordeaux, nous souhaitons dans cet article révéler les fréquentations sulfureuses qu’entretient sa structure locale de jeunesse avec un certain nombre d’individu.e.s de la mouvance identitaire et néonazie, fréquentations qui se sont cristallisées autour de la création, en février 2016, d’un bar associatif, « le Menhir », au départ impliqué officiellement dans les activités du FN Gironde, puis engagé à partir de novembre 2016 dans l’animation d’une structure prétendument indépendante, « la taverne du joyeux sanglier » – or cette structure, nous allons le montrer, est animée par des militant.e.s d’ultra-droite, militant.e.s que nous retrouvons d’ailleurs sur de nombreuses photos officielles du Front National de la Jeunesse (FNJ) de la Gironde [1].

Au fil de nos recherches, un personnage-clef de cette affaire s’est dégagé, celui de Thomas Bégué, promu en février 2016 secrétaire départemental adjoint chargé de l’action militante au FNJ de la Gironde, soit le moment précis de la création du bar « Le Menhir ».

Nous ne sommes pas en mesure d’apporter ici la preuve définitive qu’il s’agit là d’une stratégie concertée, mais le fait qu’un cadre frontiste chargé d’organiser localement l’action militante soit directement impliqué dans la création d’une structure parallèle animée par des militant.e.s identitaires et néonazi.e.s, laquelle structure s’engage par ailleurs publiquement dans la campagne de Marine le Pen, nous interpelle.

 

1) Le Menhir, structure associative proche du FN33, et particulièrement proche du FNJ33.

Avant d’entrer dans le détail des activités nauséabondes du Menhir et de ses membres, présentons d’emblée les éléments qui nous permettent d’affirmer la collusion entre le Menhir et le FN33. Celle-ci s’est construite par le biais des FNJ33 : alors que le Menhir annonce l’ouverture de son bar le 20 février 2016, ce dernier avait précédemment partagé sur sa page facebook la publication du FNJ33 annonçant l’ouverture prochaine … de sa nouvelle permanence – troublante coïncidence !

Photo 1

Ensuite, un prénom reviendra sans cesse dans les activités futures du Menhir : celui de Thomas, officiellement présenté comme le président de l’association (cf. la photo 7). De Thomas, nous en connaissons un, le voici :

Photo 2

Retenez bien ce visage, car il apparaît sur presque toutes les photos du Menhir que nous allons présenter, et souvent en position de chef, derrière le comptoir.

Or, peu avant la création du Menhir, cette personne n’est autre que le secrétaire départemental adjoint chargé de l’action militante – début 2016, ce Thomas est donc un cadre des FNJ33 :

Photo 3

Du reste, un reportage publié sur un blog du monde.fr en décembre 2015 (cliquer ici) le présente en pleine campagne FN pour les élections au conseil régional aux côtés de Julie Rechagneux, secrétaire départementale du FNJ33, en sa qualité d’adjoint.

Les dernières traces visibles de ses activités officielles au sein du FN33 sont très récentes, puisqu’elles remontent à janvier 2017, date à laquelle il reçoit une médaille aux côtés de Louis Aliot, vice-président du Front National et compagnon de Marine le Pen (à cette époque, nous le verrons bientôt, Thomas est alors investi pleinement dans les activités du Menhir) :

(Photo 4) – Aux côtés de Thomas Bégué, Julie Rechagneux, secrétaire départementale FNJ33, Edwige Diaz, secrétaire départementale du FN33 et Louis Aliot, vice-président du FN.

Il faut dire que durant les premiers mois d’activité du Menhir, sa collusion avec le FN est franchement assumée : tout d’abord, le premier logo du Menhir intègre carrément le sigle des FNJ, comme on pourra le constater sur l’annonce de leur « soirée mojito » du 14 avril 2016 – une publication depuis supprimée de leur facebook, certainement pour effacer tout lien entre les deux structures, mais dont le cyber-faf « Bordeaux Corbeau » [2] a eu à l’époque l’heureuse idée de conserver une capture-écran sur son twitter :

Photo 5

Par ailleurs, toujours durant ses premiers mois d’existence, le Menhir s’occupe officiellement de la buvette des événements locaux du FN, avec des photos siglées indifféremment « Menhir » et FNJ33 :

(Photo 6) – événement organisé le 10 septembre 2016 par le FN33 – sur la photo de droite, Edwige Diaz, nouvelle secrétaire départementale du FN, Thomas Bégué, et « Résille », néonazie sur laquelle nous allons revenir bientôt

Cette collusion est encore attestée récemment : en effet, en janvier 2017, deux affiches sont diffusées sur les réseaux sociaux, une du FN33 annonçant sa « traditionnelle » galette des rois, et une autre du Menhir annonçant sa prochaine conférence – or, ces deux affiches indiquent, pour les informations et contact, le même numéro de téléphone :

Photo 7

Nous allons voir maintenant que si cette collusion est sulfureuse, c’est en raison de l’orientation idéologique du Menhir et de certain.e.s de ses membres, dont nous verrons chemin faisant qu’ils et elles ont aussi participé directement aux activités du FNJ33.

 

2) les activités du Menhir, une structure dédiée à promouvoir la diversité de l’extrême-droite radicale, mais in fine mise au service de Marine le Pen et du FN33

Sur sa page de présentation, le Menhir indique être une « association de patriotes bordelais » et une « association de nationalistes et identitaires bordelais » [3]. Son activité première consiste à gérer un bar dont il ne précise pas l’adresse, la « taverne du joyeux sanglier ». En une seule photo du lieu secret, nous pourrons constater que sa décoration l’identifie à une sorte de foir’fouille de l’extrême-droite :

(Photo 8) – à gauche, une affiche de l’UDJ, groupe de jeunes nationalistes révolutionnaires [4] ; sur la tireuse, une croix celtique, symbole repris par l’extrême-droite radicale ; à droite, un drapeau BBR tendu comme cache-misère sur le chauffe-eau ; au centre derrière le comptoir, on reconnaît Thomas Bégué, jusqu’à preuve du contraire secrétaire départemental adjoint du FNJ33 ; à droite, « Résille » et Clément, alias Pinoc Coupdboots, deux néo-nazi.e.s dont nous reparlerons dans le troisième point du dossier)

La symbolique violente de cette imagerie (le GUD est historiquement connu pour apprécier les ratonnades et les lynchages de « rouges ») est cohérente avec les velléités du Menhir de former ses membres à la « baston » – ainsi organise-t-il des séances de boxe, animées par un certain « Kevin » :

Photo 9

(Photo 10) – à droite, une photo de la séance de boxe

Il est à noter ici que le boxeur de la photo 10 ressemble justement à un Kevin que nous connaissons bien – Kevin B., alias Kevin « Tristan », une girouette qui a commencé sa « carrière » chez les supporters de foot des Devils Bordeaux puis des Supras libournais (deux groupes bien connus pour leurs positionnements antiracistes), avant de devenir responsable jeune du Bloc Identitaire de Bourgogne, et qui aujourd’hui milite pour Marine le Pen :

(Photo 11) – Kevin « Tristan », portant à gauche un t-shirt identitaire faisant référence à la bataille de Poitiers et portant fièrement des symboles « anti-musulmans »

(Photo 12) – le même Kevin posant en pleine séance de diffusion de tracts pour le meeting de Marine le Pen à Bordeaux

En plus d’écluser des litres de bière et de jouer les gros bras, le Menhir organise aussi depuis des mois des cycles de formation, dont le contenu non-exhaustif nous donnera déjà une première idée de son positionnement idéologique : « qu’elle soit monarchiste ou républicaine, la France est éternelle » (10 juillet 2016) ; « La technique du coup d’Etat, par François Jay, responsable du SIEL33 » (2 décembre 2016) ; « l’histoire de Casapound, présenté par un militant nationaliste qui a milité à leurs côtés (16 décembre 2016) ; « Le communisme, pourquoi et comment le combattre » (22 décembre 2016) ; « pourquoi Jeanne » (13 janvier 2017) ; « la mouvance skinhead » (17 février 2017).

Photo 13

Ce qui ressort de ces thématiques, c’est une volonté affichée de former et de s’adresser à un large spectre de l’extrême-droite radicale, monarchiste, néo-fasciste (Casapound), frontiste (la figure de Jeanne d’Arc) ou bien encore skinhead.

Les actions menées en ville manifestent une même pluralité : les équipes de collage pourront aussi bien afficher leur soutien au Front des Patriotes (groupe qui se revendique du « nationalisme social » [5], avec un « isme » déplacé certainement par pudeur) qu’organiser des maraudes sous la bannière de l’ultra-droite identitaire :

(photo 14) – à gauche, le drapeau identitaire ; à droite, toujours Clément, alias Pinoc Coupdboots ; et au fond, de dos, ne serait-ce pas le secrétaire départemental adjoint du FNJ33 collant cette affiche « nationaliste sociale » ?

Plus récemment, le Menhir s’est lancé dans l’organisation d’un concert, avec comme invité principal In Memoriam, groupe de rock identitaire français (RIF) [6]:

Photo 15

Or, ce groupe est connu pour être dès sa création impliqué dans la mouvance d’ultra-droite, ayant plus récemment joué pour les néo-fascistes italiens de Casapound :

Photo 16

Il reste qu’au-delà de cette multiplicité de références, le Menhir réaffirme régulièrement, par ses publications et ses collages, une fidélité à la famille le Pen et au Front National.

Ainsi le groupe publie-t-il en janvier dernier un message officiel de soutien à Edwige Diaz, nouvelle secrétaire départementale du FN33, organise-t-il des collages pour la campagne présidentielle de Marine le Pen, ainsi que des collages plein d’« humour » en utilisant de vieilles affiches de Le Pen père :

Photo 17

(photo 18) – collage le 24 mars dernier en faveur du meeting de Marine le Pen le 2 avril prochain

Cette fidélité se comprendra aisément si l’on s’intéresse au parcours de beaucoup des membres du Menhir. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que leur pedigree n’arrangera pas la réputation du FN Gironde…

 

3) Le Menhir, une structure animée par des militant.e.s identitaires et néonazi.e.s, dont certain.e.s ont leurs entrées au FNJ33

Nous nous intéresserons ici à trois personnages hauts en couleurs (en l’occurrence le brun, assorti du Bleu-Blanc-Rouge frontiste) : il s’agit de Clément B., alias « Pinoc Coupdboots », « Résille Björnsdo », et Virgile R. alias « Kas Torgnole ». Nous sommes ici en mesure d’affirmer que « Kas Torgnole » et « Résille » en particulier ont jusqu’à une période assez récente fréquenté assidûment le FNJ33, jusqu’à apparaître sur des photos officielles, tout en affichant publiquement leur adhésion à la mouvance néonazie.

Voici en préambule leurs profils facebook respectifs, pour qu’il soit possible d’associer clairement leur visage à leur pseudonyme :

(Photo 19) – « Kas Torgnole »

(Photo 20) – « Résille Björnsdo »

(Photo 21) – « Pinoc Coupdboots »

Il se trouve que les trois compères se connaissent depuis longtemps, puisqu’ils et elle ont dans leurs très jeunes années bordelaises viré skinhead en même temps, et ont fondé un groupe, le Kommando Kastor Krew [7](« KKK », une référence explicite au Ku Klux Klan, groupe raciste américain…) :

(photos 22) – Les trois compères lors d’une de leurs virées de jeunesse

(Photo 23) – une répétition du KKK – remarquez la « rune d’Odal » autour du cou de Clément, utilisée par les jeunesses hitlériennes et certaines divisions SS

(photo 24) – A droite, on reconnaît le sourire si particulier de Virgile « Kastor », aujourd’hui Kas Torgnole

Or, ces trois-là se retrouvent depuis l’année dernière sur beaucoup des photos officielles du FNJ33, dont voici un florilège :

Photo 25

(Photo 26) – on aperçoit Clément alias « Pinoc » derrière l’ancien secrétaire départemental du FN, Jacques Colombier

(Photo 27) – on aperçoit aussi Gonzague Malherbe, conseiller municipal et régional FN

(Photo 28) – « Kas Torgnole », « Pinoc » et Thomas entourent Gilles Lebreton, député européen FN

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les trois jeunes (militant.e.s ? sympathisant.e.s ?) frontistes ont accumulé jusqu’à aujourd’hui d’invraisemblables casseroles. Prenons par exemple le cas de Virgile alias « Kas Torgnole » : il aime afficher son affection pour le néonazisme, par exemple sur cette photo, où il arbore un t-shirt de Skrewdriver, groupe anglais auteur entre autres du morceau « white power » (« pouvoir aux blancs ») :

(Photo 29) – Virgile « Kas Torgnole », T-shirt de RAC et bagues de combat (a priori état neuf)

Tout récemment, début mars 2017, il a aussi fondé un groupe de RAC (Rock Against Communism), « Trikard », dont le premier (très mauvais) morceau est partagé par le Menhir et propose des textes explicites :

(Photo 30) – à gauche, Kas Torgnole au micro, dans une posture plus décontractée qu’aux côtés du député européen FN Gilles Lebreton

(Photo 31) – « Kas Torgnole » est fier de publier les textes à connotation antisémite de son morceau

(Photo 32) – Kas Torgnole promet à ses ami.e.s de tendre le bras pour le Führer. A noter que sur l’image de la répétition, on aperçoit aussi au milieu le bassiste du groupe, un certain « Riké » qui avec Kevin « Tristan » est une autre girouette bien connue sur Bordeaux, puisqu’il a traîné dans le milieu redskin (skinheads d’extrême-gauche) jusqu’à la fin des années 2000

Quant à « Résille Björnsdo », en parallèle de ses photos officielles aux côtés de Gonzague Malherbe ou Edwige Diaz, elle nourrit depuis longtemps une passion pour la symbolique nazie, qu’elle n’a jamais hésité à partager sur les réseaux sociaux :

(Photo 33) – « Résille » se tatoue sur le pied une « wolfsangel », rune utilisée comme blason de la 4ème division SS Panzergrenadier

(Photo 34) – « Résille » présente sa collection d’objets nationalistes, dont un collier « soleil noir », symbole utilisé par le IIIème Reich, et un briquet aux couleurs de la division SS « Charlemagne »

En fin d’année dernière, Résille avait aussi été à l’origine de la constitution sur Bordeaux de la section locale du groupe « Soldiers of Odin » [8], gang fondé par un néonazi finlandais, et qui s’est spécialisé dans les « maraudes anti-migrant.e.s » – dans la hiérarchie du groupe, Résille avait même gagné le statut d’ « official support », comme le prouvent ces captures d’écran :

(Photo 35) – « Résille » affiche son nouveau grade, et discute avec Michael Marotte, responsable national des Soldiers of Odin (SOO)

(Photo 36) – « Résille » explique la signification de son grade, tout en indiquant que les SOO seraient de passage à… la « taverne », très probablement celle du Joyeux sanglier, soit le Menhir

Cette belle équipe est donc celle-là même qui participe activement depuis sa création aux activités du Menhir, aux côtés de Thomas Bégué, jusqu’à preuve du contraire secrétaire départemental adjoint aux actions militantes du FNJ33, et jusque dans la « Taverne du joyeux sanglier », son bar secret :

(Photo 37) – Thomas tient le bar du Menhir avec « Résille »

(Photo 38) – Thomas partage des pintes avec « Pinoc »

 

4) Conclusion

Le 2 avril prochain, le Front National organise son grand meeting à Bordeaux. L’occasion pour sa cheftaine, Marine le Pen, d’asseoir sa stature présidentielle et de confirmer sa nouvelle place d’honneur dans le cirque politicien professionnel, au milieu des Macron, Fillon et autres Hamon – belle ironie, quand on sait que son père, le « Menhir », s’était construit une image d’éternel rebelle facho, épouvantail de la Vème République ! aujourd’hui, la riche candidate élevée au château de Montretout ne rêve que d’une chose : être reçue dans les salons des puissant.e.s de ce monde, et peut-être un jour poser son séant dans le confortable fauteuil élyséen.

Seulement voilà : pour parfaire son image de personnalité républicano-compatible, il lui faut faire oublier que son parti est historiquement construit sur tout ce que le champ politique compte de plus nauséabond : nostalgiques de la France de Pétain et des Colonies, néonazi.e.s aviné.e.s, intellos antisémites, etc. On ne peut que le constater : cette stratégie médiatique n’est pas loin de réussir, tant la simple évocation du « Front » ne récolte déjà plus au sein de la population les mêmes réactions hostiles ou effrayées – pour un nombre croissant de personnes, le FN c’est « Marine » ou Philippot, et les deux sont tolérables.

Pour notre part, nous n’entrerons pas dans ce débat sur la dédiabolisation – d’autant que selon nous ce déplacement a moins consisté ces dernières années en un adoucissement des thèses du FN qu’en une fascisation d’une large partie de la parole politique ; mais à quelques jours du « grand meeting » de Marine Le Pen à Bordeaux, et dans ce contexte détestable où son parti cherche à construire une image de respectabilité, il nous a semblé nécessaire de montrer que notre FN local est, par le biais d’une structure associative parallèle, devenu une véritable couveuse à néonazi.e.s.

 

Notes :

[1] Pour nourrir ce dossier, nous avons utilisé des photos et textes partagés publiquement sur les comptes facebook des organisations concernées et de certain.e.s de ses membres.

[2] « Bordeaux Corbeau » est un compte twitter qui s’occupe depuis maintenant plus d’un an de relayer les actualités des extrêmes-droites sur Bordeaux : https://twitter.com/bordeauxcorbeau?lang=fr

[3]https://www.facebook.com/186813678346155/photos/a.187396658287857.1073741828.186813678346155/364393873921467/?type=3&theater

[4] L’Union de Défense de la Jeunesse est une émanation du Groupe Union Défense (GUD) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_union_défense

[5] http://frontdespatriotes.blogspot.fr

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/In_memoriam_(groupe)

[7] Le lien vers leur page facebook : https://www.facebook.com/pg/KommandoK/posts/?ref=page_internal

[8] Le journal Sud-Ouest avait relaté leurs maraudes dans Bordeaux en novembre dernier : http://www.sudouest.fr/2016/10/28/bordeaux-qui-sont-les-soldiers-of-odin-qu-on-voit-en-ville-2550676-2780.php

 

 

 

 

 

 

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