Durant les deux semaines qu’a duré le second tour des présidentielles, ils et elles nous ont ressorti le vieux front républicain contre le Front national ! Face à cette coalition de tous les grands partis associés sans mal autour de Macron, le Front national a répondu en jouant la carte de la défense des classes populaires et d’une prétendue identité française. Se sont alors multipliées les attaques médiatiques des un.e.s et des autres à coup de « vous êtes le parti de la haine », « Vous êtes les représentant.e.s de la dictature financière », « vous êtes antirépublicain.e.s » « Vous êtes corrompu.e.s », « vous voulez sortir de l’union européenne, ce sera le cataclysme » « vous voulez rester dans une Europe qui détruit les nations et qui favorise le développement de l’islamisme radical » – le tout assaisonné des deux côtés d’une bonne dose de de Gaulle dont ils et elles n’arrêtaient pas de déterrer le képi.
Dans cette déferlante de petites phrases et devant le spectacle de leur opposition, aucune place n’a été laissée à celles et ceux qui refusent de faire le choix entre un nationalisme ethnocentrique qui divise les pauvres pour mieux régner et un libéralisme assumé qui ne se cache plus de défendre les intérêts d’une classe à coup de destruction du code du travail et de remise en cause de tout ce que nous avions gagné par la lutte. Tout au plus, ils et elles ont analysé notre prise de position comme la manifestation d’une irresponsabilité politique qui décidément prouverait que nous sommes de grands enfants qu’il faudrait guider pour nous éviter de faire des bêtises.
Rassurons-les : nous savons ce que nous faisions et au fond d’eux.elles, ils et elles le savaient aussi : nous ne voulions pas choisir entre la peste et son vecteur, entre le fascisme et son toboggan, entre la matraque brune et la matraque républicaine puisque finalement ils et elles sont comme dirait l’autre les deux blaireaux d’une même colline.
Notre choix a été politique. Nous comprenons que face à la peste brune certain.e.s ont pu hésiter à ou se sont rallié.e.s dans leur vote à l’alliance républicaine que les politicien.ne.s n’arrêtaient pas de nous vendre. Nous savons qu’il était difficile de ne pas voir en Macron le seul moyen, en cet instant précis, d’empêcher l’accession au pouvoir d’un parti qui est notre ennemi de toujours. Notre objectif n’était pas de culpabiliser toute une partie d’entre nous qui pensait parer au plus urgent. Toutefois, cela fait trop d’années qu’on nous serine avec cela et nous le savons : choisir le libéralisme effréné, ce n’est que reculer pour mieux sauter.
Le Front national se nourrit de la précarité. Il n’y a qu’à regarder qui a voté Marine Le Pen pour s’en convaincre : ce ne sont ni les ouvrier.ière.s, ni les employé.e.s comme les médias aiment à le dire. Analyser sous cet angle la situation, c’est se rendre aveugle à la dynamique qui tend à soutenir le vote frontiste. Ainsi, ce sont les groupes les plus précarisés, quelle que soit leur catégorie socio-professionnelle, qui ont glissé ce bulletin dans l’urne : précaires de la fonction publique, précaires du secteur privé, chômeurs.ses, et plus généralement exclu.e.s d’un système qui se nourrit de notre pauvreté. Quelle sera la situation dans 5 ans, une fois que la Loi El Khomri contre laquelle nous nous sommes battu.e.s aura été musclée et que les acquis sociaux nous aurons été retirés ? Que se passera-t-il lorsqu’il y aura encore plus de pauvres, de précaires ? un FN à 30% ? à 40% ?
L’alternative n’est pas dans l’isoloir qui nous individualise, elle est encore et toujours dans la rue, sur nos lieux de travail, sur nos lieux d’étude, dans nos quartiers et dans tous les milieux que nous fréquentons. Elle est dans la construction d’espaces autonomes, dans la déconstruction des discours qui favorisent les divisions de notre camp et diffusent et encouragent les idées d’extrême droite. Elle est aussi dans la reconstruction des liens et des solidarités pour qu’existe à nouveau un rapport de force opposant clairement les dépossédés aux possédants. Elle est dans les luttes pour la destruction du patriarcat, du capitalisme, du colonialisme et contre l’ensemble des dominations qui nous asservissent.
Notre combat n’aura pas duré que deux semaines, nous les ferons chier pendant 5 ans et tant qu’il le faudra.
Ni patrie, ni patron, ni Le Pen, ni Macron ! Toutes et tous dans la rue !